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Confinement solitaire, ce qu’il nous apprend déjà

Qui aurait pensé à un tel scénario ? Dans un film post-apocalyptique, ou dans un livre de science-fiction, on aurait pu lire ça pour se divertir. Mais le vivre ! C’est incroyable. Une première dans notre vie, et un moment unique pour tout le monde. En revanche, personne ne pourra dire que c’est facile. Même les plus introvertis d’entre nous. Être confiné sans voir personne, pour ceux qui sont vraiment isolés seuls. Quel défi ! Quelle difficulté ! Mais alors quoi faire ? Paniquer ? En quoi ça va aider ? Nous n’avons pas le choix. Nous devons rester chez nous. Et seuls. Toutes les activités que nous faisions pour nous occuper sont annulées. Pour les hyperactifs et les plus occupés d’entre nous, ce n’est pas juste de l’ennui qu’ils vont sentir, c’est comme si on leur avait arraché toute la vie.

Nous devons rester chez nous. Maintenant, il n’y a plus de choix à faire. Il n’y a plus de décision à prendre, à se demander où aller ou qui voir. Nous sommes forcés de ralentir. Et nous pouvons le prendre pour un problème, passer notre temps à regretter toutes les occasions que le virus va nous faire rater. Ou nous pouvons le prendre comme une opportunité, de ralentir, de se recentrer sur soi, de se demander pourquoi est-ce que nous n’arrêtons pas de courir ici et là comme si notre vie en dépendait. Nous vivons en accéléré parce qu’on se dit qu’il n’y a pas de temps à perdre. Mais réellement, qu’est-ce qu’on a peur de perdre ? Et qu’est-ce qu’on cherche en allant si vite, tout le temps, jusqu’à la limite de l’épuisement ? Peut-être qu’il y a un bénéfice à ce confinement. C’est celui de comprendre nos vrais besoins, au lieu de courir vers le nouvel événement ou la nouvelle occupation. Comprendre pourquoi est-ce que nous sommes si agités, et pourquoi c’est si compliqué de rester confiné, au-delà de l’arrêt de nos activités habituelles.

Être confiné seul est dur psychologiquement pour tout le monde. J’ai vécu longtemps seul dans un appartement, plusieurs années. Je m’y suis habitué, comme beaucoup de personnes, d’hommes et de femmes qui vivent seuls par choix ou par circonstances. Le confinement ne devrait pas changer quelque chose pour moi dans ce cas-là. Pourtant je me sens plus mal que d’habitude. En fait voilà : ne pas pouvoir être en contact avec les autres n’est pas la même chose que choisir de ne pas être en contact avec eux. Ne pas sortir parce que ce n’est pas possible n’est pas la même chose que ne pas sortir parce qu’on n’en a pas envie. Dans notre tête, nous avons toujours l’impression que la solitude est un choix conscient auquel nous pouvons remédier plus tard, donc elle est plus supportable, elle n’est rien. Un mal que nous pensons temporaire est plus facile à supporter qu’un mal permanent. Et la situation de confinement dans laquelle nous sommes est en quelque sorte une solitude permanente. Sûrement pas pour la vie, mais pour l’avenir proche oui. Et là l’esprit ne juge plus les choses de la même manière. Il sent la solitude plus fort, il sent qu’il lui manque quelque chose. C’est tout notre corps qui réagit mal, pas juste notre esprit. Alors on comprend que la solitude n’est pas juste une idée. Être avec d’autres gens n’est pas une contrainte, ou une nécessité, c’est un besoin physique, physiologique, vital.

Nous ne sommes pas faits pour vivre seuls. Ce n’est que le monde moderne qui a inventé la vie solitaire. De tout temps, les gens ont vécu ensemble, les uns avec les autres, non seulement en pays, en peuple, mais en communauté, en tribu, en famille. Notre besoin des autres est telle que la pire punition pour un prisonnier est la cellule d’isolement, pire que de rester enfermé en compagnie d’autres criminels dangereux et violents. Le confinement ressemble un peu à une cellule d’isolement, à tourner en rond sans voir personne, au milieu des mêmes murs qui résonnent. Pourtant cette période va bel et bien se terminer un jour, et nous reviendrons à notre vie habituelle, nous sortirons de la cellule d’isolement, ou plutôt : on nous ouvrira la porte de la cellule.

Beaucoup d’entre nous ne sortirons pas. Nous reviendrons à notre quotidien, et le confinement ne sera qu’un vieux cauchemar, une hallucination. Mais certains continueront à se dire : « Non je n’ai pas besoin des autres, je suis un solitaire. » Comme ils ont pris l’habitude de le faire. Ils auront beau prié pour parler à quelqu’un durant leur confinement et trouver un soulagement tout à fait humain, ils ne le feront pas quand ils auront le choix et la liberté. « Je suis mieux tout seul. » Certainement ont-ils raison quand ils le disent. Ils ont leurs raisons en tout cas. Ils savent pourquoi ils le disent, mais ils le disent parce qu’ils ne connaissent que ces raisons-là. Pendant le confinement, ils ont eu le temps de former d’autres raisons de ne pas être seul : le besoin de compagnie, de contact, de connexion, d’échange, de parole, de réconfort. Or ils ne s’en souviendront pas.

Mais nous, nous ne ferons pas pareil. Le confinement passera, mais nous emporterons quelque chose avec nous : le besoin de nous recentrer sur l’essentiel, et l’importance de nos relations avec les autres, qui est en lui-même l’essentiel.

Alors entre temps, nous sommes bien contraint à rester confinés chez nous pour le bien de tous. Il vaut mieux alors le vivre le mieux possible. Car il ne sert à rien de se plaindre ou de paniquer. Cela ne rendra que l’expérience plus dure. Il y a une meilleure réaction qui est celle d’essayer de sourire malgré tout, même seul, ou encore mieux quand on parle au téléphone. Car le sourire s’entend, et il donne du courage aux autres.

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