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Des raisons de vivre (3/4) : l’art

Si on se pose la question des raisons de vivre, c’est qu’on a envie de vivre, et de bien vivre. Si on n’avait pas ce désir fort de vivre, on n’aurait pas besoin de chercher des raisons pour, ni comment faire. On n’aurait envie de rien puisqu’il n’y a pas de désir, et il n’y aurait alors pas de problème. Mais si on est dans le doute, si on a du mal à voir par où s’aventurer dans la vie, et que c’est douloureux d’être dans cet état là, c’est que la vie humaine demande un chemin, et beaucoup d’hommes se sont posés la question de quel chemin prendre. C’est une question essentielle, et si on regarde bien le passé et même le présent, on voit les réponses qu’ont donné les hommes à cette question. Quand on les observe, on se rend compte des chemins fantastiques qu’ils ont empruntés et que l’on peut suivre.

Je vais essayer de présenter quatre chemins qui me semblent admirables : la science, le sport, l’art et l’humanité. Ce ne sont pas les seuls, mais ils englobent la quasi-totalité des chemins que les hommes de valeur ont considéré dignes et bons.

Si vous avez raté la première partie sur la science, vous pouvez la retrouver ici:

En ce qui concerne la deuxième partie sur le sport, la voici:

L’art

Quand un jeune homme ou une jeune femme désire poursuivre une carrière dans un domaine artistique, on lui dit très vite qu’il vaut mieux qu’il fasse quelque chose de plus productif qui puisse le nourrir plutôt que de s’acharner à vouloir une réussite artistique qu’il n’est pas certain d’atteindre. Ce n’est pas un mauvais conseil. Il est tellement rare de vivre de son art, il y a tellement peu d’artistes qui y arrivent, même ceux qui ont un relatif succès, qu’il vaut mieux se protéger des difficultés de la vie quotidienne en acceptant un travail plus stable et rémunérateur, mais qui ne soit pas trop épuisant pour que l’artiste puisse avoir le temps d’exprimer, développer et promouvoir son art.

Mais il demeure que, malgré toute l’ingratitude de l’art pour l’artiste, on peut être tellement passionné, tellement obsédé, tellement envahi par son art qu’on ne peut pas envisager de vivre sans. Qu’est-ce que c’est que cette part de l’humanité qui fait que des personnes soient prêtes à mourir de faim plutôt que de se séparer de leur art ?

L’art n’est pas qu’une activité pour les rêveurs qui ne veulent pas voir la réalité du monde. Lorsque nous nous trouvons devant une véritable œuvre artistique, nous ne pouvons pas ne pas sentir un certain bouleversement en nous, des vibrations dans le corps, des larmes qui montent aux yeux, un détachement de notre ego et une connexion mystique avec l’univers. Et si l’on n’a jamais ressenti cela face à une peinture majestueuse comme L’énigme de Gustave Doré, on l’a peut-être ressenti devant une sculpture comme la statue de Marc-Aurèle, ou devant une architecture imposante comme les colonnes du temple de Saturne à Rome, ou devant une musique divine comme la 9ème symphonie de Beethoven. Il y a forcément quelque chose dans l’art qui nous bouleverse, c’est dans notre humanité.

La musique n’est pas qu’une succession de sons. Une symphonie a un sens, elle nous dit quelque chose au travers d’un autre langage que nous n’avons pas besoin de rendre en mots pour comprendre. Beethoven peut être à la fois joyeux, alarmiste, tragique et monumental dans sa musique, et nous arrivons à approuver tout ce qu’il nous transmet, dans le silence des mots.

Les poètes ne sont pas quant à eux que des artisans du verbe, leurs paroles ne sont pas vaines. Les plus grands poètes ont un regard sur le monde qui n’est pas celui que l’on a au premier abord. Ils nous dévoilent la réalité d’une manière que l’on n’a pas saisi tout de suite, ils colorent les zones que l’on voyaient grises, ils allument un feu au milieu des grottes et des souterrains, ils prennent notre âme par la main et l’emmènent aussi haut qu’il est possible d’aller, et nous font observer toute la terre et l’humanité pour nous les faire aimer. Savez-vous qu’un lever du soleil n’est pas qu’un lever du soleil mais la possibilité d’une vie meilleure après une difficile nuit ? Savez-vous qu’un nuage n’est pas qu’une masse d’eau dans le ciel mais cette légèreté qui traverse la terre ? Savez-vous qu’une montagne n’est pas qu’un amas de pierres mais cette chose immense qu’il faut surmonter ? Savez-vous que le vent n’est pas qu’un mouvement de l’air mais une jeune force qui peut grandir et se transformer en tempête ? Les poètes nous montrent tout ce que l’on n’a pas vu dans le monde et ils nous disent : « votre monde est beaucoup plus riche que ce que vous imaginez, ne vous contentez pas de ce qui est tout de suite devant vous, cherchez la beauté et la grandeur, cherchez le sublime. »

L’art est ce qu’il y a peut-être de plus humain en nous, il nous donne une raison de vivre parce qu’il nous donne la possibilité de développer notre humanité, de déchirer notre âme et de partager ses morceaux avec le reste des hommes. À part ceux qui ne veulent poursuivre l’art que pour la gloire et la célébrité, et qui n’ont souvent aucun talent à part celui de caresser dans le sens du poil la fourrure de la terre, il y aura toujours, en tout temps, en tout siècle, des artistes qui chercheront la vérité de l’homme au plus profond d’eux-mêmes pour nous la communiquer, et c’est toujours une joie de rencontrer de telles personnes. Découvrir la symphonie d’Istanbul de Fazil Say ou de nouvelles compositions de Nils Frahm ou d’Iiro Rantala permet de nous rendre compte que l’humanité est toujours vivante, qu’elle est toujours capable de beauté, malgré tout.

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