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Les plus belles citations de Sénèque – Lettres à Lucilius – Livre VIII et IX – Lettres 70 à 80

Livre VIII

Lettre 70

« Cette vie, il ne faut pas toujours chercher à la retenir, tu les sais : ce qui est un bien, ce n’est pas de vivre, mais de vivre bien. Voilà pourquoi le sage vivra autant qu’il le doit, non pas autant qu’il le peut. »

« J’ajoute que, s’il n’est pas vrai que la vie la plus longue soit toujours la meilleure, il est bien vrai que la pire des morts est toujours celle qui se prolonge. »

« Voilà l’exercice indispensable entre tous (se préparer à la mort). À l’égard des autres épreuves, il est possible que l’effort soit en pure perte. On s’est armé de mépris contre la douleur, et une heureuse santé, un excellent tempérament nous ont toujours dispensés de mettre à l’épreuve cette vertu. Nous nous sommes fait une loi de supporter nos deuils avec constance : la Fortune a protégé ceux que nous aimions : ils vivent tous. C’est donc bien là l’unique savoir dont la mise en œuvre soit de rigueur en un moment inévitable. »

Lettre 71

« S’assurer du but est le premier devoir de l’archer ; il ajuste ensuite et sa main règle le tir. Les conseils humains s’égarent faute d’un point de direction. Quand on ne sait vers quel port il faut tendre, on n’a jamais le bon vent. »

« Ils considèrent comme infaisable tout ce qu’ils ne sauraient faire. »

« Quand pourrons-nous faire mépris de l’une et l’autre fortune ; quand pourrons-nous, tenant toutes nos passions sous le genou, les ayant pliées à notre volonté propre, pousser ce cri : j’ai vaincu ! « Vaincu qui ? », diras-tu. Ni le Perse, ni les tribus du fond de la Médie, ni les contrées belliqueuses qui s’étendent peut-être au-delà des Dahes ; mais la cupidité, mais l’ambition, mais la crainte de la mort, victorieuses de ceux qui ont vaincu le monde. »

Lettre 72

« L’esprit a besoin qu’on le déroule et que l’on revoie de temps en temps les choses que l’on y a mises en dépôt, de manière à les trouver prêtes, chaque fois que le besoin l’exigera. »

« Non! Point d’instant mal propice à la philosophie dont dépend notre salut. Pourtant, combien de gens oublient de d’y livrer dans le conjonctures mêmes qui en motivent l’étude. »

« Tu as bien vu un chien guettant, gueule ouverte, les bouts de pain ou de viande que lui lance son maître. Tout ce qu’il attrape est tout de suite avalé tel quel, et il demeure béant, dans l’espérance du morceau qui va venir. La même chose nous advient. Nous attendons, et tout ce que la Fortune nous jette, nous l’engloutissons sans le savourer, aussitôt sur le qui-vive, l’esprit anxieusement tendu vers la conquête d’une autre proie. »

Lettre 73

« De deux hommes de bien, celui qui est le plus riche n’est pas pour cela le meilleur; pas plus qu’entre deux pilotes, également habiles, on ne saurait donner la supériorité à celui qui possède un navire plus grand et plus imposant. »

Lettre 74

« En s’attachant trop à fond à ce qui est un produit de la Fortune, on s’est apprêté mille sujets de trouble inextricables. Pour qui veut s’établir en lieu sûr, il n’est qu’une voie: dédaigner les choses du dehors, s’en tenir à l’honnête. »

« Aime la raison; cet amour te gardera, comme une armure, des plus dures atteintes. »

« Veux-tu la preuve que l’on ne doit jamais se tourmenter de l’avenir? Un homme entend dire que, dans cinquante ans, il doit subir quelque supplice. Il n’en est point troublé, à moins que, se projetant dans l’avenir, il ne se plonge dans des angoisses qu’il n’aurait autrement qu’après une génération écoulée. Il advient de même que des esprits amoureux de chagrin et en quête de sujets d’affliction s’attristent sur de vieux souvenirs déjà effacés. Les choses passées comme les choses à venir sont loin de nous; ni les unes ni les autres n’affectent notre sensibilité. Or, une cause sensible peut seule produire la douleur. »

Livre IX

Lettre 75

« Voici le point essentiel de notre intention : dire ce que l’on pense, penser ce que l’on dit ; faire que le langage soit d’accord avec la conduite. »

« La maladie de l’âme consiste dans une perversion opiniâtre du jugement, qui porte à croire vivement désirable ce qui ne l’est que médiocrement ; c’est, si tu préfères une autre définition : convoiter avec excès des choses à rechercher sans insistance ou à ne rechercher en aucune façon ; c’est avoir en singulière estime ce qui ne vaut qu’un peu d’estime ou point du tout. »

« « Mais, me diras-tu, qu’est-ce que la totale indépendance ? » Ne pas craindre les hommes, ne pas craindre les dieux ; ne vouloir rien d’immoral, rien d’immodéré ; avoir tout pouvoir sur soi-même. Inestimable bien que d’arriver à s’appartenir. »

Lettre 76

« Il faut apprendre tant que dure l’ignorance, et si l’on en croit le proverbe « tant que dure la vie ». Et de ce dicton il n’est pas d’application plus juste que celle-ci : il faut apprendre l’art de vivre tant que dure la vie. »

« S’il s’agit de l’homme, qu’est-ce qu’il y a de meilleur en lui ? La raison. La raison achevée est donc le bien propre de l’homme. Tout le reste lui est commun avec la bête et le végétal. »

« Tel personnage a tous les avantages, santé, fortune, antique généalogie, salon encombré de clients, mais c’est un homme mauvais, de l’aveu de tout le monde : tu le réprouveras. Cet autre n’a rien de ce que je viens d’énumérer ; il lui manque argent, clients, noblesse, série ininterrompue d’aïeux et de bisaïeux, mais de l’aveu de tout le monde, il est homme de bien : tu l’approuveras. Donc le seule vrai bien de l’homme est celui dont la possession, fût-on comblé de tous autres avantages, voue à la réprobation et au mépris. »

« L’épée dont tu diras : elle est bonne, n’est pas celle qui a baudrier doré ni dont le fourreau est constellé de pierreries ; c’est l’arme de taille et d’estoc dont le tranchant est bien affilé, dont la pointe percera toute armure. »

« D’un mal qu’on s’est représenté d’avance le choc arrive amorti. […] Ce que d’autres ne trouvent léger qu’au prix d’une longue endurance, le sage se le rend léger en y pensant longuement. On entend parfois dire aux incultes : « J’étais sûr que ce coup m’arriverait. » Le sage sait toujours que le coup devait lui arriver ; quoi qu’il advienne, il peut dire : « Je le savais. » »

Lettre 77

« Nul n’est ignorant des choses au point de ne pas savoir qu’un jour il faut mourir ; et cependant, quand l’heure est proche, on tergiverse, on tremble, on gémit. Ne trouves-tu pas sot entre tous celui qui s’est mis à pleurer pour n’avoir pas été au monde il y a mille ans ? Cet autre n’est pas pmoins insensé qui pleure parce que dans mille ans il ne sera plus. Tu ne seras pas, tu n’as pas été : c’est tout un. Ces deux portions de la durée ne t’appartiennent pas. »

« Dans la mort quelle foule à ta suite, quelle foule pour t’y escorter ! Tu seras, j’imagine plus brave, si tu mourais en compagnie de millionsd d’êtres. Eh bien, d’une manière ou d’une autre, à cette heure même où tu hésites à mourir, des millions d’hommes et d’animaux rendent l’âme. »

« Il en va de la vie comme d’une pièce de théâtre : ce n’est pas la longueur qui compte, mais le mérite de l’acteur. Que tu finisses à tel ou tel endroit, la chose est indifférente. Finis où tu voudras, mais réussis ta sortie de scène. »

Lettre 78

« Mainte fois je pris le brusque parti d’en finir avec l’existence, mais une considération m’a retenu : le grand âge de mon excellent père. Je songeai non pas au courage que j’aurais pour mourir, mais au courage qui lui manquerait pour supporter ma perte. Et c’est ainsi que je commandai de vivre ; il y a des circonstances, en effet, où vivre est courageux. »

« Ce qui n’a pas peu contribué à ma guérison, ce sont les amis, qui m’encourageaient, me veillaient, causaient avec moi et m’apportaient ainsi du soulagement. Oui, Lucilius, rien ne ranime et ne restaure un malade comme l’affection de ses amis ; rien ne retranche mieux de la pensées l’attente et l’appréhension de la mort. Je ne m’imaginais pas mourir, puisque je les laissais après moi. Il me semblait, en vérité, que je vivrais en eux, sinon avec eux. Je ne croyais pas rendre l’âme, lais la leur remettre en dépôt. »

« Ne contribue pas à te rendre tes maux plus pénibles, n’alourdis de tes plaintes le fardeau que tu portes (la douleur est légère, à condition que le préjugé n’y ajoute point). Si, au contraire, tu t’encourages, si tu déclares : « ce n’est rien » ou tout au moins : « c’est peu de chose ; tenons ferme : cela passera », en te disant qu’elle est douce, tu adouciras ta souffrance. »

« Chacun est misérable dans la mesure où il croit l’être. »

« À quoi bon ramener les peines disparues et se rendre malheureux, sous prétexte qu’on l’a été ? »

« Eh ! n’aurions-nous reçu la force que pour porter des charges légères ? »

« En attendant, attache-toi, accroche-toi à ce principe : ne pas céder aux rigueurs de la Fortune, ses caprices, en se disant que tout ce qu’elle a le pouvoir de faire, elle le fera. Une épreuve à laquelle on s’attendait depuis longtemps s’abat moins lourdement. »

Lettre 79

« Être homme de bien, ce n’est pas valoir mieux que les pires. S’aviserait-il de vanter sa vue, celui qui verrait à peine qu’il faut jour ? L’homme pour qui le soleil luit à travers un brouillard, s’il est content pour l’instant d’avoir échappé aux ténèbres, jouit pas encore du bienfait de la lumière. »

« Il est né pour peu d’hommes, celui qui n’a en tête que les gens de son siècle. Des milliers d’années, des milliers de peuples viendront après nous : tourne vers eux tes regards. »

Lettre 80

« Que te faut-il pour devenir homme de bien ? Le vouloir. Or, que pourrais-tu vouloir de mieux que de t’arracher à cette servitude dont le poids pèse sur tous les hommes, que nos esclaves de la plus basse catégorie et nés dans l’abjection s’efforcent de rejeter par tous les moyens ? L’argent  qu’ils se sont amassé au détriment de leur ventre, ils le donnent pour racheter leur tête. Et tu ne souhaiterais pas de conquérir la liberté à tout prix, toi qui naquis, à ton estime, dans l’état de liberté ? Tu regardes vers ton coffre-fort ? Elle ne s’achète pas. »

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