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Les plus belles citations de Sénèque – Lettres à Lucilius – Livre XIX et XX – Lettres 110 à 124

Lettre 110

« Si tu veux méditer souvent cette leçon, tu te mettras à même d’être heureux au lieu de le paraître et donc de paraître tel non pas aux autres, mais à toi. »

Lettre 111

« Comment ne s’estimerait-il pas content (le sage) d’être monté jusqu’où n’atteint plus la main de la Fortune ? Le voilà donc supérieur aux événements humains, égal d’autre part à lui-même en n’importe quelle situation, que sa vie avance d’un cours paisible ou que, ballottée des orages, elle ne rencontre que traverses et difficultés. »

Lettre 113

« Qui veut que sa vertu soit connue du public travaille non pour la vertu, mais pour la gloire. Tu ne voudrais pas être juste sans gloire ? Grands dieux, il t’arrivera souvent de devoir l’être au prix de la calomnie ! Mais alors, si tu es raisonnable, que ce discrédit né d’un mérite vrai soit ta délectation. »

Lettre 114

Ne vois-tu pas, si l’âme est en langueur, que l’on se traîne, qu’on meut les jambes paresseusement ? Si l’âme est efféminée, la démarche aussi du corps manifeste de la mollesse. Si l’âme est vive en son comportement, fougueuse, le pas est accéléré. Si elle est en démence, ou, ce qui y ressemble bien, si elle est en colère, les mouvements du coups se désordonnent ; il n’avance pas, il est emporté. Combien, à ton sens, ces effets ne sont-ils pas plus considérables en l’esprit, que pénètre tout entier l’âme ! Elle le façonne, il lui obéit, il pense d’elle sa loi. »

« C’est à un penchant de telle nature qu’obéissent, tu le constates, les élégants qui s’épilent la barbe ou en conservent quelques bouquets, qui, dégageant par trop et rasant le bord des lèvres, gardent et laissent croître le reste du poil ; qui adoptent les manteaux d’une couleur excentrique, ou encore une toge en tissu transparent, obstinés à ne rien faire qui permette aux regards de ne pas s’arrêter sur eux. Ils les provoquent, les attirent sur leur personne ; ils veulent bien qu’on les blâme, pourvu qu’on les voie. »

« « Tant que le roi se conserve fort, tous n’ont qu’un même esprit. On le perd : le pacte est brisé. » Notre roi, c’est notre âme. Tant qu’elle garde sa force, tout demeure dans le devoir, obéissant, soumis. Si elle chancelle tant soit peu, tout se déconcerte. Mais, a-t-elle cédé au plaisir ? Ses talents du même coup, son activité se paralysent ; ses efforts ne sont plus que mollesse et inconsistance. »

« Rien toutefois ne te disposera à la tempérance en toutes choses, autant que de songer fréquemment comme la vie comprends peu de jours, et ce peu encore non garanti : quoi que tu fasses, donne un regard à la mort. »

Lettre 115

« Mais, en attendant, l’on ne condamne ses premiers souhaits que pour en former d’autres. Car il n’est d’homme que sa prospérité, fût-elle venue au pas de course, satisfasse jamais. On se plaint et de ses projets et de son avancement et l’on préfère toujours la situation qu’on a quittée. »

« Que les mots aillent comme il leur plaît, pourvu que l’âme garde son harmonie, qu’elle reste grande, insoucieuse des préjugés, s’applaudissant justement de ce qui lui vaut le blâme d’autrui ; car elle jugera de ses progrès par ses actes et ne s’estimera savante que dans la mesure où elle sera libre du désir comme de la crainte. »

Lettre 116

« Toute passion est d’abord faible et prend vitesse et force en avançant ; lui fermer la place coûte moins de peine que l’en déloger. »

« La nature a mêlé à nos besoin le plaisir, non comme une fin à rechercher, mais comme un complément destiné à rendre agréables les fonctions nécessaires de la vie : qu’il se fasse  admettre à titre de plaisir, c’est la débauche. Ainsi donc quand les passions font mine d’entrer, résistons, puisque, je le répète, on a moins de peine à ne pas les recevoir qu’à les faire sortir. »

Lettre 117

« Je ne conçois pas indignité pire que de souhaiter la mort. Car si tu veux vivre, pourquoi souhaites-tu de mourir ? Si tu ne le veux plus, pourquoi demandes-tu aux dieux de qu’ils t’ont accordé lorsque tu vins au monde ? Mourir un jour, quand tu ne le voudrais pas, c’est ton sort ; mourir quand tu le voudras dépend de toi. Là stricte nécessité, ici toute licence ! »

« La nature ne nous a pas départi le temps d’une façon si large, si libérale, qu’il nous soit loisible d’en perdre une miette. Vois combien les hommes les plus ménagers de leur temps en perdent ; à l’un, sa santé en enlève une part, celle de ses proches, une autre. Nos devoirs familiaux nous en prennent une autre ; les affaires publiques, une autre ; sur toute notre vie le sommeil prélève la moitié. De cet étroit et rapide courant des jours, qui nous emporte, que sert d’en jeter le meilleur au néant ? »

Lettre 118

« La prospérité n’a pas, comme pense l’homme en ses appétits, une belle hauteur, mais très petite ; c’est pourquoi elle ne satisfait personne. Tu crois fort élevés ces objets où tu aspires parce que tu rampes loin d’eux ; mais pour qui arrive auprès, ils sont bien bas. »

Lettre 119

« Ils ont la richesse comme on dit que nous avons la fièvre, alors que c’est elle qui nous a. On emploie souvent le tour inverse : « La fièvre le tient. » Il faut dire de même : un tel, la richesse le tient. »

Lettre 120

« Il est, tu le sais, des vices qui confinent aux vertus et même en l’homme perdu, immoral, il y a des traits de ressemblance avec le bien. Le prodigue n’est que la contrefaçon du généreux, vu qu’il a une extrême différence entre savoir donner et ne pas savoir conserver (oui, Lucilius, beaucoup ne placent pas leurs dons ; ils les jettent au vent ; je refuse quant à moi le nom de généreux à un gaspilleur). L’indifférence prend les allures de la facilité d’humeur ; l’irréflexion, du courage. »

« Jamais l’homme parfait, en possession de la vertu ne s’écrie : « Maudite Fortune ! » ; jamais il ne fait mauvais visage à ce qui lui arrive. Il se dit qu’il est un citoyen du cosmos, qu’il en est le soldat, et il se plie aux tâches et aux fatigues comme à un service commandé. »

« Le dernier jour aboutit à la mort ; chaque jour s’y acheminait. Elle ne fait pas sur nous main basse, elle nous grignote. C’est pourquoi une grande âme, consciente de la supériorité de sa nature, a soin de se comporter, au poste où elle est placée, avec honneur et zèle ; au demeurant, elle ne considère comme sien aucun des objets qui l’entourent ; elle en use comme d’objets prêtés, en voyageuse pressée qu’elle est. »

« Ici, beaucoup sont comme le héros d’Horace, cet homme qui n’est jamais le même et qui ne se ressemble jamais : que dis-je, il devient le contraire de lui-même. Beaucoup, disais-je ? Mieux vaut dire presque tous. Tout le monde change quotidiennement de dessein ou de souhait ; tantôt on veut une épouse, tantôt une concubine ; tantôt on veut le prendre de haut avec ses clients, tantôt on se conduit plus complaisamment que le dernier de ses esclaves ; un jour on s’épanouit jusqu’à susciter l’envie, le lendemain on se rabaisse et se fait plus petit que ceux qui sont plus bas que terre. À cette heure, on distribue son argent, demain on en ratissera. C’est précisément ce qui décèle une âme dépourvue de discernement. »

Lettre 122

« Honte à celui qui somnole encore quand le soleil est haut et pour qui sa journée commence à midi. Et encore, pour beaucoup, midi se place avant leur aurore. »

Lettre 123

« Jusqu’à ce que nous commencions à nous en passer, nous ne réalisons pas combien de choses sont inutiles. Nous les utilisons non pas parce que nous en avions besoin mais parce que nous les avions. »

« Et que de choses on se procure parce que d’autres se les sont procurées, parce qu’elles se voient chez presque tout le monde ! Une des causes de nos misères, c’est que nous vivons à l’exemple d’autrui et qu’au lieu de nous régler sur la raison, nous nous laissons égarer par l’usage. »

« Nous pourrons arriver, quand nous saurons bien qu’il a deux genres de choses, celles qui nous attirent et celles qui nous rebutent. Le premier genre comprend la richesse, les plaisirs, la beauté, le désir de briller, toutes choses qui sont caressantes et souriantes. Le Second comprend les épreuves, la mort, la souffrance, le refus du laisser-aller. Nous devons faire en sorte de ne pas redouter l’un et de pas désirer l’autre. Prenons le contre-pied dans les deux cas : fuyons ce qui nous invite et attaquons ce qui nous agresse. »

« Prêtons plutôt l’oreille à ceci : « On n’est pas homme de bien par hasard. La vertu est chose qui s’apprend. Le plaisir est bas, futile, sa valeur est nulle, il nous est commun avec les bêtes brutes, il attire les insectes et les êtres les plus méprisables. La gloire est illusoire et inconstante, changeante comme le vent. La pauvreté n’est pas un mal que si l’on se débat contre elle. La mort n’est pas un mal ; cela t’étonne ? Elle seule est la même pour tous les hommes. La superstition redoute les dieux, et les profane quand elle leur rend culte ; car quelle différence entre nier qu’il existe des dieux et les calomnier ? Apprenons ces préceptes ; que dis-je ? sachons-les par cœur. »

Lettre 124

« Abandonne donc un terrain où tu auras forcément le dessous, puisque ce n’est pas le tien, et retourne au bien qui t’est propre. Quel est donc ce bien ? Une âme nettoyée et pure, émule du dieu, se plaçant plus haut que les choses humaines et ne situant hors d’elle rien d’elle-même. Tu es un animal raisonnable ; quel est donc, en ton cas, le bien ? Une raison parfaite ; fais-la donc venir à ce sien achèvement, fais-la se développer le plus possible. Ne te juge heureux que le jour où toutes tes joies naîtront de toi. »

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