Si on se pose la question des raisons de vivre, c’est qu’on a envie de vivre, et de bien vivre. Si on n’avait pas ce désir fort de vivre, on n’aurait pas besoin de chercher des raisons pour, ni comment faire. On n’aurait envie de rien puisqu’il n’y a pas de désir, et il n’y aurait alors pas de problème. Mais si on est dans le doute, si on a du mal à voir par où s’aventurer dans la vie, et que c’est douloureux d’être dans cet état là, c’est que la vie humaine demande un chemin, et beaucoup d’hommes se sont posés la question de quel chemin prendre. C’est une question essentielle, et si on regarde bien le passé et même le présent, on voit les réponses qu’ont donné les hommes à cette question. Quand on les observe, on se rend compte des chemins fantastiques qu’ils ont empruntés et que l’on peut suivre.
Je vais essayer de présenter quatre chemins qui me semblent admirables : la science, le sport, l’art et l’humanité. Ce ne sont pas les seuls, mais ils englobent la quasi-totalité des chemins que les hommes de valeur ont considéré dignes et bons.
Première partie: la science
Ce qu’on a appris sur le monde ces dernières centaines d’années, et encore plus les derniers cent à deux cent ans, est plus extraordinaire et plus fascinant que tout ce que l’humanité a appris depuis qu’elle observe le monde et essaye de l’interpréter. La science et la méthode scientifique ont contribué à l’évolution et l’amélioration de notre savoir et de notre savoir-faire à une vitesse qui n’était pas prévisible par ceux qui étudiaient l’univers avant elles. Il y a à peine cent ans, on ne savait pas que nous vivions dans ce qu’on appelle aujourd’hui une galaxie et qu’il y avait des milliards de galaxies similaires à la nôtre dans l’univers. Le monde des hommes s’est exponentiellement agrandi après cette découverte et nous ne cessons de découvrir de nouvelles choses fascinantes dans le ciel comme les exoplanètes, qui sont ces sœurs jumelles de la terre qui gravitent autour d’autres étoiles.
En l’espace de quelques centaines d’années, nous avons découvert la structure de la matière, l’électron, le proton et les quarks qui forment le proton. Nous avons découvert le monde déroutant de la physique quantique et la nature de l’espace et du temps grâce à la relativité. Nous avons découvert l’évolution des espèces, la génétique et l’épigénétique. Nous avons compris que les dinosaures formaient plusieurs espèces animales plus ou moins gigantesques dont les premières sont apparues il y a 240 millions d’années et les dernières se sont éteintes il y a 66 millions d’années, ce qui veut dire que nous sommes plus proches du dernier dinosaure que le dernier dinosaure est proche du premier. Notre monde n’arrête pas d’être plus riche et plus vaste, plus complexe, plus dense, plus vivant, plus impressionnant, plus beau.
Certains ont cette vision de la science comme élément démystifiant qui tue l’imagination, ou qui rend le monde beaucoup plus effrayant. Mais c’est faux. Quand la science décompose la structure de l’univers, elle nous offre de nouveaux éléments que notre imagination peut utiliser, un nouveau terrain à partir duquel elle peut une nouvelle fois fleurir. Et bien sûr que le monde devient plus effrayant pour certains car, dans son arrogance, l’homme pense qu’il maîtrise le monde, mais lorsque la science étend ce monde, l’homme se rend compte de tous les nouveaux territoires qu’il ne connaît pas et qu’il ne maîtrise pas et qu’il ne pourra jamais maîtriser, et cela le terrifie. Or l’erreur est que l’homme n’a jamais été maître de quoi que ce soit dans cet univers. C’est une erreur de jugement de l’homme et il reproche à la science son malheur.
La science n’a pas juste étendu le savoir humain, elle a aussi significativement amélioré la vie des hommes. En quelques centaines d’années, nous avons eu l’électricité, l’ordinateur et l’internet, et un marocain peut partager son amour de la cuisine indienne avec un argentin ou un australien. Les transports sont plus faciles et plus rapides, la voiture et l’avion nous emmènent partout. La médecine a largement diminué la mortalité infantile, plusieurs maladies qui décimaient les hommes par milliers n’existent plus, nous vivons plus longtemps et en meilleure santé. Plusieurs métiers pénibles sont maintenant effectués par des machines très avancées. Personne de vraiment sérieux et de bonne foi ne préférerait vivre au 19ème siècle, encore moins au 18ème ou au 17ème, ou alors c’est un ingrat qui aurait besoin d’être un peu écarté de son confort quotidien, d’être un peu malmené pour qu’il comprenne à quel point il est privilégié.
Tout ce que la science nous permet aujourd’hui, tout ce que nous savons du monde ne s’est pas révélé tout seul. La science ne s’est pas faite elle-même. Malgré les erreurs et les dangers qui se sont révélés avec la science, tous les avantages et les biens dans lesquels nous vivons n’ont été possibles que grâce au travail et à la curiosité de scientifiques passionnés et dédiés à leur science, à des médecins et des ingénieurs compétents, à des gens qui étudient le monde pour mieux le comprendre, pour mieux l’expliquer et pour mieux vivre et mieux faire vivre. C’est leur curiosité qui les pousse à découvrir. Ils approchent le monde comme des enfants, ils voient une boîte fermée avec quelques serrures et se demandent « et si j’essayais de l’ouvrir de cette manière ? » Et quand cela ne marche pas, ils continuent et se disent « et si j’essayais cette autre méthode ? Et si j’y allais par ce bout, ou par ce côté ? » Ils sont toujours là à vouloir ouvrir la boîte fermée qui ne suscite pas la curiosité des autres. Les scientifiques sont constamment en train de tester toutes les serrures de l’univers, en train d’inventer des clés, parfois des explosifs pour voir ce qu’il y a derrière. L’explosivité de la relativité générale, par exemple, est rudement effective pour éclaircir les mystères de la gravitation. C’est la curiosité et l’acharnement des biologistes et des médecins qui ont réussi à vaincre tant de maladies. C’est l’inventivité des ingénieurs qui nous a permis d’avoir un outil aussi puissant que l’internet. Les scientifiques sont toujours en train de se poser la question « et si je faisais ceci, qu’est-ce qui se passerait ? » Ils se demandent devant toute chose « comment marche ceci ou cela ? » Et ils essayent toujours d’améliorer leurs connaissances et leurs outils pour d’essayer d’arriver à mieux.
Nous avons la chance de vivre dans un monde où des scientifiques tentent de découvrir l’architecture de l’univers, ou essayent de rendre la vie plus facile pour l’homme. Et il y a encore des choses fascinantes à découvrir et beaucoup d’éléments à améliorer dans la vie humaine. Est-ce qu’on trouvera comment concilier la physique quantique et la relativité générale ? Qu’est-ce qu’on a encore à comprendre sur le fonctionnement du cerveau pour que l’on puisse soulager la souffrance de beaucoup de malades ? Est-ce qu’on arrivera un jour à maîtriser la fusion nucléaire pour produire de grandes quantités d’énergies ? Tout ce qu’on a encore à découvrir est fabuleux, excitant, il donne envie de vivre, et si ce n’est pas pour contribuer au savoir ou à l’avancée humaine aux côtés de ces gens remarquables que sont les scientifiques, c’est au moins pour assister comme un enfant aux fascinants secrets que l’univers peut encore nous révéler.