« La faute d’un autre, il faut la laisser là où elle est. » Marc-Aurèle, Livre IX, 20.
Il y a ceux qui se sentent tellement déçus par les autres qu’ils n’ont plus aucune confiance en personne, qu’ils se méfient de tous ceux qui leur parlent, qu’ils évitent même le contact des autres, jusqu’à croire qu’on leur veut du mal. Ils s’isolent, nourissent la tristesse, le ressentiment, la haine, et parfois la misanthropie qu’ils justifient comme seule bonne manière de vivre.
C’est vrai que les autres sont parfois décevants. Nous nous attendons à de l’aide, à du soutien, à de la réciprocité, au moins à de la politesse, et finalement nous obtenons l’inverse, et tout cela de gens que l’on pensait pourtant proches de nous. Alors il est plus facile de se renfermer sur soi et de dire que tout le monde a tort et qu’on ne peut avoir foi en personne. Pourtant que serait l’humanité si tout le monde adoptait cette attitude ? Que de la méfiance, que de la tromperie, que de l’arnaque. Aucune confiance, et le monde serait en ruine.
Ce n’est pourtant pas les autres qu’il faut changer, car l’esprit des autres n’est pas sous notre contrôle, et c’est un manipulateur qui penserait l’inverse. Il n’y a que notre esprit que nous pouvons contrôler, c’est lui auquel nous avons accès. Et c’est lui qui doit apprendre à bien attribuer sa confiance et savoir juger des fautes qu’ont commises les autres envers nous. « Mais alors quoi ? Je dois apprendre à me laisser avoir ? À toujours donner et ne rien recevoir ? » Eh bien voilà l’esprit encore une fois qui se précipite, qui juge trop vite, et qui refait les mêmes erreurs qui le font tomber dans les mêmes douleurs.
Lorsque quelqu’un se comporte « mal » envers nous, c’est qu’il a fait quelque chose que nous ne voulions pas, mais c’est nous qui avons jugé qu’il était responsable et qu’il n’aurait pas dû. Nous oublions que les autres agissent avec leurs propres opinions qui ne sont pas dues à de mauvaises intentions envers nous, mais qui sont simplement leurs opinions. C’est notre jugement qui attribue de mauvaises intentions aux autres. Ils avaient leur raison d’agir comme ils ont agit, ou alors ils étaient peut-être nerveux, ils réfléchissaient à autre chose, leur esprit était occupé par d’autres pensées, et ce n’est pas contre nous qu’ils agissaient.
Ici, il ne s’agit pas d’apprendre à pardonner, il s’agit d’apprendre à oublier. Car trop réfléchir à l’erreur de quelqu’un va provoquer de la tristesse, de la colère, du ressentiment, l’envie de se venger et de changer son attitude envers lui juste parce que nous avons jugé qu’il n’aurait pas dû faire ce qu’il a fait, alors que peut-être il n’a même pas conscience qu’il ne fallait pas. Souvent ce genre de réactions provoque bien plus de mal que le mal initial, amplifié par notre mauvais jugement et par notre attachement à des émotions qui auraient pu ne pas apparaître, si nous avions tout simplement oublié. Et les dommages que peut provoquer ce genre de réactions est encore plus triste et tragique lorsqu’il s’agit de gens proches, très proches, que l’on aime. Combien d’amitiés, d’amours et de familles brisés par des gens trop soumis à leurs émotions et à leur tendance à trop réfléchir. Et nous nous laisserons encore avoir ? Qui veut de cette vie où un bref moment de manque d’attention constitue une raison pour tout remettre en cause ? Une petite brise vient couler un bateau qui a traversé des tempêtes.
Il vaut mieux oublier. Il vaut mieux ne pas se précipiter à mal juger, à attribuer de mauvaises intentions aux autres. Il vaut mieux vivre dans un monde qu’on ne juge pas malveillant.