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La poursuite du bonheur qui n’arrive jamais

« Tu as bien vu un chien qui attend, gueule ouverte, les bouts de pain ou de viande que lui lance son maître. Tout ce qu’il attrape est tout de suite avalé tel quel, et il reste affamé, dans l’espérance du morceau qui va venir. La même chose nous arrive. Nous attendons, et tout ce que le destin nous jette, nous l’engloutissons sans le savourer, aussitôt sur place, l’esprit anxieusement projeté vers la conquête d’une autre proie. » Sénèque, Lettre à Lucilius 72.

Toujours insatisfaits. C’est comme cela que vivent la plupart des êtres humains, la plupart d’entre nous, si ce n’est tous. Toujours à la poursuite du prochain désir. Jamais ce que nous avons n’est assez. Alors il nous faut une nouvelle voiture, un nouveau téléviseur, un nouvel objet ou une nouvelle expérience. Nous ne sommes jamais satisfaits parce que nous pensons que notre bonheur se trouve autre part que là où nous sommes.

L’image que donne Sénèque est juste. Dès que nous obtenons quelque chose, nous n’avons même pas le temps d’en profiter que nous voulons autre chose. Pour un chien c’est un bout de viande. Pour un homme c’est mille objets différents.

Le stoïcisme en parle encore et encore. Poursuivre ses désirs n’a jamais de limite. Si nous ne sommes pas heureux avec ce que nous avons aujourd’hui, nous ne serons pas heureux quand nous aurons autre chose plus tard. Avec le temps, le nombre des objets que nous possédons a augmenté, mais sommes-nous plus sereins pour autant ? Plus calme ? Plus joyeux ? La poursuite d’objets ne nous apportera jamais la satisfaction que nous cherchons vraiment.

Il n’y a pas que le stoïcisme qui dit cette vérité. Dans le bouddhisme, la première des quatre nobles vérités est la Dukkha, que l’on peut traduire par souffrance ou insatisfaction. Les quatre nobles vérités sont ce qui distingue un être encore perdu dans le samsara, et un être qui s’est éveillé au nirvana, c’est-à-dire à la vérité du monde. Tant que nous nous laissons vivre dans la dukkha, dans l’insatisfaction, dans la souffrance qui nous pousse à vouloir toujours autre chose, nous resterons dans le samsara.

Nombre d’autres philosophes et sages dans le monde en ont parlé également. Schopenhauer, philosophe bien connu autant pour son immense intelligence que pour son pessimisme inconditionnel a dit que la « vie oscille, comme un pendule, de la souffrance à l’ennui. » C’est-à-dire qu’à chaque fois nous souffrons parce que nous voulons quelque chose que nous n’avons pas, mais dès que nous l’obtenons, l’ennui s’installe, car ça ne nous intéresse plus, et nous allons chercher autre chose, ce qui nous fait souffrir de nouveau, etc.

C’est encore la même chose en psychologie et en physiologie. En psychologie, « l’adaptation hédonique » est le fait que l’être humain s’adapte à chaque nouveau plaisir (hédonisme) qu’il obtient. La nouvelle voiture, la nouvelle maison, ou même le nouveau compagnon devient le nouveau standard pour lui, du coup, il est insatisfait, car maintenant il en veut plus.

En physiologie, la dopamine est le neurotransmetteur (libérée dans les neurones dans le cerveau) qui est associé à la sensation de plaisir. Ce qui est important à savoir, c’est que la dopamine est surtout libérée quand nous sommes à la poursuite de quelque chose, c’est elle qui donne la motivation et l’envie d’avoir l’objet que l’on convoite. Mais quand nous l’obtenons, la dopamine n’est plus libérée. Alors il n’y a plus de plaisir. Nous tombons dans l’ennui, comme dit Schopenhauer.

Toutes les sagesses et les sciences s’accordent à dire que notre plus grande erreur est d’être tout le temps à la poursuite de nos désirs, et de penser que c’est ça qui va nous rendre heureux. C’est faux, mais le savoir n’est pas suffisant. Alors comment y arriver ?

Le problème est grand, mais heureusement, les solutions sont connues : avoir de la gratitude pour ce qu’on a, savourer les expériences que nous vivons lorsque nous les vivons, et désirer des choses plus importantes que des objets, comme désirer une meilleure relation avec ses proches, son conjoint, ses enfants.

Encore une fois il ne suffit pas de connaître les solutions. Il faudrait les appliquer, les vivre, faire les efforts nécessaires pour y arriver. Malheureusement, très peu y arrivent, car la plupart n’essaye même pas.

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