Si nous croisons quelqu’un dans la rue et nous voyons qu’il est en train de parler tout seul, nous dirions que c’est un fou ou un peu dérangé. Mais il n’est fou que parce qu’il parle tout seul à voix haute. Parler tout seul silencieusement, c’est notre folie à tous.
Nous sommes tout le temps dans notre tête en train de penser, de dire des choses qui n’ont rien à voir les unes avec les autres à une vitesse impossible à suivre. Nous parlons du dîner de ce soir, puis de comment est-ce que telle personne nous a regardé, puis de ce qu’un ami nous a dit il y a deux jours, puis de notre physique et qu’il faudrait faire plus de sport, puis du steak que nous allons manger pour le dîner finalement.
C’est tout à fait habituel d’avoir un discours intérieur et des pensées qui se suivent sans arrêt. Tellement habituel que nous ne nous rendons même pas compte que ça se passe dans notre tête. Parfois même nous disons quelques mots à voix haute, et la personne à côté de nous croit que nous lui parlons, alors nous lui disons que nous parlions tout seul. Et il ne nous trouve pas si fous que ça au final. Parce que tout le monde le fait.
Le problème est lorsque ce discours intérieur joue sur nos sentiments et nos actions d’une manière négative. Combien de fois est-ce que tout va bien, jusqu’à ce qu’on se souvienne de quelque chose et on commence à devenir tristes, à s’inquiéter, ou à s’énerver ? Tout ça parce que dans notre tête, nous avons fait un commentaire sur le souvenir, et le commentaire a provoqué des émotions qui maintenant vont nous ruiner la journée.
Ce genre de processus peut aller tellement vite et tellement fort que cela provoque chez certains un état de malheur constant qui s’autoalimente à cause de tout ce qui se dit dans la tête. C’est un film d’horreur permanent dans la tête.
Mais ce discours intérieur n’est pas ingérable. Il se passe dans notre tête de manière automatique parce qu’il est devenu habituel et que nous ne faisons plus d’efforts pour l’orienter. C’est comme conduire une voiture. Quand vous commencez, vous êtes très concentrés sur la route, sur le volant, sur la boîte à vitesse, sur les pédales d’accélération et d’embrayage. Mais plus vous vous habituez à la conduite, moins vous pensez à ce que vous faites.
C’est la même chose avec le discours intérieur. Sauf qu’ici, la voiture est en train de partir n’importe où au lieu d’aller sur la route et vers la destination où vous voulez. Qu’est-ce qu’il faut faire à ce moment-là ? La solution est simple, se reconcentrer sur la route et sur la voiture pour mieux conduire.
C’est ce qu’il faut faire aussi avec le discours intérieur pour ne pas le laisser nous emporter n’importe où. Quand il devient dangereux pour nous et nous emmène dans des sentiments et des actions qui ne vont nous faire du mal, il est temps de se reconcentrer sur ses pensées et réajuster la direction.
C’est l’exercice que ce que les stoïciens appellent « l’attention à soi ». C’est un exercice de concentration sur ce qui se passe en nous pour maîtriser le discours intérieur.
Alors la prochaine fois que la voiture commence à sortir de la route et devenir dangereuse, nous pouvons reprendre le volant et ne pas la laisser aller où elle veut, mais conduire vers là où nous voulons aller.