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[Stoïcisme] La sobriété n’est pas une contrainte

L’hiver s’annonce froid.

La neige ne tombera pas forcément plus que les hivers passés, c’est plutôt le chauffage qui va peut-être manquer. Nous avons pris pour acquis le confort dans lequel nous vivons.

Or on se rend compte aujourd’hui que ce confort dans lequel nous avons eu l’habitude de vivre n’est pas naturel et automatique. Il repose sur de l’énergie qui n’est pas infinie, et dont la disponibilité dépend de politique, d’économie, de facteurs que nous ne maîtrisons pas totalement. C’est la fin de l’abondance on nous dit, il faut faire preuve de sobriété maintenant.

Ce qui est étonnant, c’est que lorsqu’on a parlé de sobriété, un grand nombre de gens a été choqué. Comme si c’était une contrainte impossible à supporter, comme si on nous annonçait une maladie qui allait prendre nos parents et nos enfants. C’est la fin d’un monde, oui. Mais à entendre certains discours, on a l’impression de vivre la fin de l’humanité. Ce n’est en réalité que l’écho d’une civilisation qui s’est tellement habituée à la facilité, à la complaisance, au confort soporifique qu’elle en a développé beaucoup de fragilité. Elle se croit aujourd’hui incapable de changer sa manière de vivre.

La sobriété n’est rien de nouveau. Dans l’antiquité, les deux écoles philosophiques les plus populaires, le stoïcisme et l’épicurisme, défendaient toutes les deux un mode de vie qui reposait sur une consommation réfléchie, raisonnable, en accord avec la nature.

Les stoïciens voulaient faire preuve de tempérance, de contrôle de soi. Il fallait savoir se restreindre, ne pas abuser de ce qui existe même s’il est là. Car ils ne voulaient pas devenir les esclaves de leurs désirs, ils ne voulaient pas dépendre de la facilité et se retrouver bloqués quand on leur enlevait leur confort.

« Souviens-toi qu’il faut te conduire comme dans un banquet. Le plat qui circule est arrivé jusqu’à toi : tends la main et sers-toi décemment. Il s’en va : ne le retient pas. Il n’est pas encore là : ne lance pas ton désir au loin, mais attends qu’il arrive à toi. » Manuel d’Épictète XV (Traduction Olivier D’Jeranian).

Les épicuriens défendaient l’idée que ce qui nous suffit sont les désirs naturels et nécessaires. C’est-à-dire manger, boire, se couvrir, vivre avec les autres dans l’amitié. Et il n’y a pas besoin de manger sans limite. Pour Épicure, il suffit d’éteindre la faim avec ce qui est disponible. Tous les autres désirs (richesses, gloire, etc.) sont soit non naturels soit non nécessaires, et on peut s’en passer. En plus, ce qui est naturel et nécessaire est très accessible et facile à satisfaire, alors que le reste est difficile et douloureux.

Aujourd’hui aussi, l’idée de sobriété ne devrait pas nous choquer et nous effrayer. Nous sommes capables de vivre avec moins, de chauffer moins, de manger ce qui est disponible à côté plutôt que des aliments qui nous viennent de l’autre bout du monde. Comme nos parents, nos grands-parents, nos ancêtres, comme les stoïciens et les épicuriens de l’antiquité, nous sommes aussi humains qu’eux et capables d’apprendre à vivre sans abondance, avec ce qui est là tout de suite, de s’en satisfaire, et même d’en prendre du plaisir.

Le « retournement de l’obstacle » est une attitude que j’aime beaucoup dans le stoïcisme. Elle consiste à reconsidérer la situation qui est devant nous, et au lieu de se plaindre et de maudire, il vaut mieux se dire : « et maintenant, qu’est-ce que j’en fais ? » Le « retournement de l’obstacle » est une attitude qui ne laisse pas l’instabilité nous déstabiliser, mais au contraire l’accueillir et en profiter pour apprendre un meilleur équilibre.

C’est aussi l’occasion de faire preuve de solidarité dans la difficulté, de montrer l’exemple dans les situations compliquées, d’agir pour la société comme poussaient les stoïciens à le faire en changeant sa manière de vivre pour qu’elle soit plus en accord avec l’environnement dans lequel nous vivons tous, et dans lequel nous sommes tous liés.

Car comme l’a dit Marc-Aurèle : « Ce qui n’est pas utile à la ruche n’est pas utile à l’abeille non plus. » Pensées pour moi-même, Livre VI, 54.

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