« Personne ne se lasse d’être aidé. L’aide est un acte conforme à la nature. Ne te lasse jamais d’en recevoir ni d’en apporter. » Marc-Aurèle, Pensées.
C’est bien d’être indépendant. C’est bien de pouvoir s’en sortir tout seul. C’est une preuve de force. Et il faut chercher l’indépendance. On est d’accord. Dans un monde où l’individu est roi et où la liberté est plus importante que toute autre valeur, plus importante que la responsabilité, que le courage, que la justice, même plus que l’amour, l’indépendance est un bien qui n’a jamais été plus désiré et recherché.
Quand on tient autant à notre indépendance, on oublie ce que c’est que demander de l’aide. Même qu’on a parfois peur de demander de l’aide. Car si devenir de plus en plus indépendant est une avancée, alors demander de l’aide est une régression. Et personne n’aime régresser. Pourtant, combien est-ce qu’il est possible d’être indépendant ? Toute personne qui a vécu suffisamment de temps sait combien la vie peut être difficile. Personne n’est à l’abri du mauvais sort. Et même sans qu’il n’y ait besoin d’un événement malheureux, on peut se retrouver dans une situation où notre indépendance n’est pas suffisante pour nous en sortir. On a alors besoin d’aide. Et quand on ne sait pas en recevoir, on souffre de la situation bien plus qu’il n’est nécessaire.
Marc-Aurèle était un philosophe stoïcien, mais il était aussi l’empereur de la puissante Rome. Il avait un pouvoir absolu, et on pourrait croire qu’il n’avait pas besoin d’aide car il pouvait simplement ordonner. Pourtant, dans ses Pensées, journal qui n’était destiné qu’à lui-même, il écrit pour mieux s’en souvenir qu’il ne doit pas hésiter à demander de l’aide lorsqu’il en a besoin. Même un empereur, aussi riche et puissant, n’est pas complètement indépendant. Il sait bien que l’aide est nécessaire, et qu’elle est conforme à la nature, c’est-à-dire conforme à notre humanité. L’être humain a besoin d’aide, quelque soit son rang, quelque soit son sexe, ses origines, son âge. La nature a voulu que l’être humain ait besoin des autres êtres humains pour vivre. C’est pour cela que quand d’autres personnes nous aident, nous avons un sentiment de plénitude, et c’est pour cela aussi que nous nous sentons vide dans la solitude.
Marc-Aurèle a également compris que notre humanité ne demande pas juste d’accepter de l’aide, elle ne veut pas juste prendre, elle veut aussi donner. Peut-être même qu’elle veut davantage donner que recevoir, et qu’elle n’est complète que lorsqu’elle donne sans chercher à recevoir.
Je comprends que l’on ne veuille pas être aidé, parce qu’on ne veut pas se sentir vulnérable. Mais c’est mal comprendre la logique de la nature. Être vulnérable et ne pas recevoir de l’aide, c’est un danger à éviter, oui. Mais être vulnérable et pouvoir trouver de l’aide dans les gens qui nous entourent et qui nous aiment, c’est justement ne pas être vulnérable. L’aide est conforme à la nature, parce qu’être aidé nous protège de la vulnérabilité.
Alors quand c’est possible, quand nous en trouvons l’occasion, il serait judicieux de céder à sa nature, et d’apporter de l’aide à ceux qui en demandent, ou qui hésitent à en demander. Et quand c’est nous qui en avons besoin, ce n’est pas une faiblesse de la chercher. C’est naturel, c’est dans notre humanité.