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Sénèque – De la constance du sage

Le Sage est l’idéal stoïcien. C’est à la sagesse qu’il faut aspirer si l’on est élève de cette école philosophique, et la sagesse n’est rien d’autre qu’un savoir-vivre qui permet d’être plus heureux et de pouvoir affronter les aléas de la vie. Dans De la constance du sage, Sénèque nous parle de la vision stoïcienne de cet idéal, de comment est-ce qu’un sage se comporte, et donc comment l’imiter pour s’en approcher.

Dès le départ, Sénèque ne nous rassure pas. Il nous dit tout de suite que c’est un chemin difficile. Être sage, c’est être haut, très haut. Il n’est pas facile à atteindre. Mais « Comment en effet accéder à un sommet par un itinéraire tout plat ? » Celui qui veut la grandeur de la sagesse doit naturellement fournir de grands efforts.

Le sage est tellement supérieur qu’il est invulnérable. Ce n’est pas qu’il ne lui arrive rien, c’est que lorsqu’il lui arrive un mal, comme tout le monde, il ne subit pas de dommages. Ne jamais recevoir de chocs ne ferait pas de lui un sage. Être toujours à l’abri ne ferait pas de lui quelqu’un de résistant. Non, le sage est bien exposé au mal, mais celui-ci ne l’atteint pas, comme un diamant qu’on n’arriverait ni à couper ni à user. L’âme du sage est solide, il l’a rendu solide en ne se cachant pas de ce qui pourrait lui nuire.

On essayera bien de lui faire du mal bien sûr, on essayera bien de le blesser, on essayera bien de l’affaiblir, mais ce seront des tentatives ratées car le sage n’est pas vulnérable aux attaques de ces personnes malfaisantes. On peut tirer une flèche vers lui mais la flèche retombera avant de le toucher. Nous aimerions bien que ces gens-là cessent leurs attaques pour ne pas avoir besoin d’être sage, mais c’est trop demandé. L’humanité restera nocive, orgueilleuse, moqueuse, méprisante, insultante, injuste, nous ne pouvons pas la changer, alors que nous pouvons nous changer nous-mêmes pour apprendre à vivre au milieu d’elle. Le sage est celui qui montre sa tranquillité au milieu des attaques, comme un général qui montrera la puissance de ses troupes en restant calme même au milieu du territoire ennemi.

Il y a deux choses dont veut nous protéger Sénèque en nous montrons l’exemple du sage : l’injustice et l’insulte.

L’injustice

Comme pour tout mal, l’injuste peut arriver au sage, mais il n’en est pas affecté. Une injustice a pour but d’enlever quelque chose à celui qu’elle touche, elle essaye de diminuer de ce qu’il a ou de ce qu’il est, mais le sage ne possède rien qui puisse être enlevé, puisque tout ce qu’il estime posséder est en lui-même. Il sait que les biens extérieurs ne sont que temporérement à lui, s’il doit les rendre il le fait, donc « pourquoi s’émouvoir de la perte de ce qui n’est pas à soi ? »

Quand celui qui commet une injustice pense avoir pris quelque chose au sage, celui-ci lui répond : « Il n’y a pas de raison de me croire vaincu et toi vainqueur. Ta fortune l’a emporté sur la mienne ; mais ce s choses fragiles qui changent de maître, je sais où elles sont ; quant aux choses qui sont miennes, elle sont avec moi et elles seront avec moi. » Quand le sage perd ce qu’il possède, il ne perd rien de ce qu’il est. Quand le non-sage perd ce qu’il possède, il perd tout ce qu’il est.

Enfin, nous ne pouvons toujours pas empêché les hommes de commettre des injustices, ils seront toujours cupides, aveugles, orgueilleux, mais nous pouvons nous libérer d’eux en suivant la voie du sage. Il éloigne de lui les injustices sans essayer de se venger, il s’en défend par sa résistance, par sa grandeur d’âme. Il est au-dessus des injustes. « Le sage, crois-le bien, est de l’espèce de ceux qui, par un long et constant exercice, ont acquis la force de supporter la violence de leurs ennemis et de les fatiguer.

L’insulte

L’insulte est bien moins grave que l’injustice bien évidemment. On ne va pas poursuivre en justice un malpoli ou un sournois ou un moqueur. Le sage n’est pas une personne médiocre qui va se sentir diminué par une action ou une parole qui le rabaisse. Le sage est pris dans des affaires beaucoup plus importantes et porte son attention à bien plus graves événements, il n’a pas le temps pour les petites remarques minables. Ce sont de petits ennuis qui ne l’affecteront pas.

Évidemment le sage reste humain et il peut recevoir des coups difficiles comme une maladie, la perte d’un ami ou d’un enfant, et il est capable de les surmonter. Mais les petites remarques insultantes qui viennent de gens orgeuilleux et arrogants, il les repousse par sa sagesse. Leur donner de l’importance, c’est donner de la considération à celui qui insulte. Et nous pouvons voir dans leur visage la satisfaction lorsqu’ils voient que l’injure a réussi à blesser, c’est leur estime d’eux-mêmes qui est exacerbée. Or le sage n’est pas affecté par les insultes car il considère ceux qui les profèrent comme gens souffrants et mal équilibrés. Leur âme n’est pas en bonne santé, ils se conduisent comme des enfants capricieux. Quels progrès ont-ils fait ? Il n’y a que leurs erreurs qui grandissent avec l’âge. Donc le sage fait avec eux comme avec les enfants, « il avertit et punit les responsables, non qu’il ait ressenti l’injustice, mais parce que ceux-ci l’ont commise et pour qu’ils cessent de la commettre.

Pour finir, il ne faut jamais trop considérer les personnes qui commettent injustices et injures. Même leurs compliments ne donnent pas de quoi se réjouir. Nous n’accomplirons jamais rien de bon, jamais rien de grand, jamais rien qui a véritablement de la valeur si nous passons notre temps à être angoissés et à nous inquiéter de ce que les autresdiront de nous. « La liberté consiste à placer notre âme au-dessus des injures, à se faire tel que les raisons de se réjouir viennent de soi tout seul, à détourner de soi les choses extérieurs pour n’avoir pas à mener la vie inquiète d’un homme qui craint les rire et les langues de tout le monde. »

Si le sage est invulnérable aux attaques, nous ne le sommes pas, mais nous pouvons essayer de lui ressembler. Être plus sage, c’est ne pas se cacher des injustices, des injures, des insultes, mais apprendre à s’en défendre, c’est saméliorer pour devenir résistant face aux erreurs humaines et pouvoir accomplir ce qui est son devoir. L’humanité ne changera jamais, l’individu qui veut changer le peut.

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