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Le détachement de ce qui ne dépend pas de nous

« L’âme a en elle-même la faculté de mener la vie la plus belle si elle reste indifférente aux choses indifférentes. » Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, XI, 16.

Un mot qu’on retrouve souvent chez les stoïciens, et que je n’aime pas beaucoup, est l’indifférence. Quand on lit certains passages de Marc-Aurèle ou Épictète, on dirait qu’il s’agit de n’en avoir rien à faire de rien.

Ce n’est pas vraiment le cas. Mais le mot a été utilisé par eux, et c’est celui que l’on retrouve encore aujourd’hui. Je dirais quand même que derrière ce mot, il y a une position stoïcienne très importante, pleine de sagesse, qui peut nous apporter beaucoup de sérénité et empêcher beaucoup de souffrances inutiles.

Quand Marc-Aurèle dit « les choses indifférentes », il parle de tout ce qui ne dépend pas de nous. Chez les stoïciens, c’est tout ce qui est extérieur à nous et qui ne nous permet pas de progresser vers le bien ou d’éviter le mal. On pourrait dire que c’est tout ce qui n’est pas soumis à notre faculté de raisonner et notre pensée intérieure. On peut compter l’argent, les biens matériels, la nourriture, mais aussi la santé, l’entourage, la famille.

Quand on lit alors qu’il faut être indifférent à ces choses indifférentes, on a l’impression que les stoïciens n’ont pas de coeur car nos liens sociaux et familiaux sont ce qu’il y a de plus important, et que les stoïciens n’ont même pas de raison car la santé et l’argent influencent beaucoup notre vie. Ils sont fous ces stoïciens. Mais pas tout à fait.

Car quand Marc-Aurèle dit qu’il faut être indifférent aux choses indifférentes, ce que cela veut dire est qu’il ne faut pas trop dépendre de ces choses pour bien vivre. Quand elles sont là et qu’elles apportent un bien, c’est tant mieux. Quand elles ne sont plus là, cela ne change rien. Dans tous les cas le stoïcien n’est pas perturbé, parce qu’il ne dépend pas de ces choses pour être serein et bien agir. Il reste détaché de ce qui ne dépend pas de lui.

Car imaginez un bon monsieur qui, dès qu’il a à sortir de l’argent de sa poche, s’énerve et commence à trembler. Imaginez un autre qui dépense comme s’il avait une imprimante à billet chez lui. Le stoïcien ne veut être ni l’un ni l’autre. Ce qui l’intéresse, c’est comment il pense et agit face à cet indifférent qui est l’argent. Est-ce qu’il garde ce qui est beaucoup plus précieux pour lui, c’est-à-dire sa sérénité, son calme, sa maîtrise de lui-même ?

Thomas Bénatouïl dans son livre « Les stoïciens III » l’explique très bien : « Le soin des indifférents doit en fait être, toujours et d’abord, un souci de l’activité de notre âme au milieu des indifférents, un souci de l’usage des indifférents et non des indifférents en eux-mêmes. » I, 2.

Quand il s’agit d’argent, on peut dire que c’est facile de le prendre pour un indifférent. Beaucoup de personnes vont se prétendre au-dessus de ça. Qu’ils sont déjà stoïciens dans l’âme. Mais les indifférents, ce qui ne dépend pas de nous, englobe aussi l’entourage et la famille. Y être indifférent peut paraître un manque d’humanité. Or on doit continuer à comprendre l’indifférence comme ne pas dépendre de ça pour bien vivre, pour garder sa sérénité.

Et c’est vrai que la famille par exemple est quelque chose qui nous affecte beaucoup plus. On ne peut pas y être indifférent. Mais on peut avoir comme objectif de tirer le meilleur de nos relations avec nos amis et nos proches quand ils sont là, et de toujours viser la sérénité et la maîtrise de soi quand ils sont loin ou que les choses vont mal.

Le détachement de ce qui ne dépend pas de nous est un exercice très important dans le stoïcisme. Il nous évite de souffrir inutilement, nous fait gagner en indépendance, et nous rappelle que le plus important pour nous ne sont pas les événements en soi mais comment nous les vivons.

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