C’est une course permanente où nous nous sommes engagés, et nous ne savons toujours pas quand nous avons commencé, ni pourquoi. Nous sommes juste lancés, à avancer autant qu’on peut, devancer certains, courir après d’autres, trébucher parfois. Puis on s’arrête une fois, en plein milieu de la course, parce que le ciel de la nuit était un peu plus clair que les autres nuits. Il a plu durant la journée. Les étoiles ont l’air mouillées. Elles brillent davantage, alors on les aperçoit.
On s’arrête et on regarde les gens passer. Celui-ci très sérieux, celle-ci très pressée, un autre très triste, et encore un autre très vieux. On se demande où courent-ils eux aussi, pourquoi certains se précipitent, et d’autres n’essayent même plus. Pourtant, ils sont comme nous, alors on peut comprendre ce qu’ils cherchent. Ce n’est pas la peine de nous mentir, de dire que tous ces autres sont fous, et qu’on ne les comprend pas. Ils cherchent ce qui est humain, chacun avec ses propres moyens. Certains veulent la richesse, d’autres la gloire, ceux-là veulent la sécurité, et celles-ci un avantage certain, mais nous tous voulons le respect, la considération et l’amour. Alors on court.
C’est curieux de se voir courir, d’être nerveux et malmené, puis d’avoir peur et de ralentir, ou d’être triste d’être tombé. En regardant d’en haut, on peut en rire, en pleurer, ou s’énerver et vouloir tout arrêter. On reviendra bien à cette course après un bref moment de répit et de contemplation. Alors peut-être est-il plus sage d’être en compassion avec ce coureur, et de ne pas trop lui en vouloir. De ne pas détester la course non plus et d’y revenir plus serein et plus joyeux. D’être plus prudent et moins brusque. Et de ne pas oublier de s’arrêter quand les étoiles brillent la nuit.