C’est un exercice très pratiqué par notre cher Marc-Aurèle. Dans ses pensées, on trouve parfois des passages où on dirait qu’il est en train de disséquer la réalité :
« L’union des sexes, c’est un frottement de ventre avec éjaculation dans un spasme d’un liquide gluant. » Marc-Aurèle, VI, 13.
Quand on lit ce passage la première fois, on pourrait croire que Marc-Aurèle est un pessimiste, qui a du mépris pour les plaisirs, ou qui a été pris par une bouffée intense de cynisme. Mais ce n’est pas ça.
Ce qu’il est en train de faire est un exercice stoïcien qui consiste à voir la réalité des choses de manière objective, et ne pas ajouter de « jugements de valeur inspirés par les conventions, les préjugés, ou les passions » comme écrit Pierre Hadot.
Selon les stoïciens, ce sont nos jugements sur les choses qui nous font du mal, pas les choses en elles-mêmes. Et l’exercice de définition physique va essayer d’enlever cette partie qui nous fait du mal, et ne garder que la chose en elle-même.
Par exemple, l’argent est du papier qui sert de moyen de transaction, ce n’est pas lui qui nous donne de la valeur. Si on en perd, on n’aura perdu que du papier.
Un gâteau est un assemblage de sucres et de graisses qui plaisent à la bouche. Un travail est une occupation qui prend plusieurs heures de la journée. Une voiture est un véhicule qui sert à se transporter vers une destination.
Nos jugements viennent après ces faits. Nos désirs et nos peurs sont fabriqués par notre esprit selon la grille de lecture qu’il a apprise avec les années.
Donc lorsque nous nous sentons mal par rapport à quelque chose que nous avons perdu ou à un événement qui nous a blessé, il est possible de le disséquer dans sa réalité objective, pour se rendre compte qu’il est bien moins important et décisif qu’on ne le croyait.
Attention en revanche à ne pas tomber dans le cynisme. Attention à ne pas dévaluer ce qui a de la valeur, comme le courage, la justice, le contrôle de soi, la sagesse, la sérénité, et d’autres biens qu’il vaut mieux poursuivre.
L’exercice de définition physique est un exercice qui nous permet d’être moins soumis à des aléas de la vie, à des plaisirs que l’on oublie, et des objets qui ne sont en rien précieux. Il n’est pas là pour nous rendre plus haineux.